Vient d’abord se glisser un geste. Celui de l’œil qui construit l’espace interne du cadre, avant même de l’avoir caressé. Kévin Monot (né en 1987, à Lesneven) façonne chacune de ses images sous l’égide d’une pensée évolutionniste et protéiforme. Contrôlée par la restriction d’un matériau fixe, le papier, sa pratique envisage une stratification de formes et de couleurs qui saisit la cristallisation d’un nouvel art abstrait. Si les papiers découpés gouachés de Matisse sont une référence iconique en regard de la technique employée par l’artiste, c’est davantage une pensée philosophique qui soutient toute sa plasticité.
L’identisation — en termes de mécanisme associant construction, développement et évolution — intervient dans la forme même de son travail. Par le collage, Kévin Monot déploie une rhétorique qui invite le reconnaissable à disparaître tout en, paradoxalement, faisant surgir de nouvelles identités. Chaque strate de papier, qu’elle soit issue d’un support industriel, commercial ou personnel, s’invite à nier la précédente. La matière se conjugue par superposition ; elle dresse le tableau d’une entité psychique, dont la seule expression mentale s’organise autour de silhouettes organiques ou, a contrario, délibérément géométriques.
Flirtant dès lors avec une portraitisation de l’abstrait, à la manière de visages sans détails dont on ne pourrait percevoir que les contours incertains, Kévin Monot hisse sa radicalité vers une mise en exergue des zones d’ombres et de lumières. Les couleurs interviennent comme fruits d’un prisme physiologique. Les noirs sont abyssaux, scellent le regard dans un all-over labyrinthique qui offre bruit, rythme et composition. Ils évoquent également l’encre de la photocopieuse que l’artiste use pour fabriquer ses images. La série Portrait en forme (2017) intercepte très justement ce métissage entre physiologie et néant : des photographies de cabine recouvertes d’éléments graphiques s’imposent comme matière de base qui nourrira la machine à recopier. Saturation, morcellement, imperfection. L’esthétique adjacente au propos de l’artiste anime la surface de ses œuvres par un discours naturellement hybride, convergeant vers une tentation de l’effacement et de l’inattendu.
Maxime Gasnier, 2017
KEVIN MONOT
« Pour être une forme »
Exposition du 1er au 17 juin 2017
Galerie Gratadou-Intuiti : 16, rue des Coutures Saint-Gervais 75003 Paris