Étiquette : Gallery
La GALERIE GRATADOU-INTUITI présente du 16 mars au 22 avril 2017 « Marie, une histoire possible », une œuvre de MARC DEL PIANO
Le faux, élément incontournable de l’uchronie comme médium. Au commencement, l’idée d’une représentation différente. Sculptée, Marie représentée comme mère mais avant tout comme femme, semblable aux autres. En réalisant avec les techniques ancestrales, taille dans le bois, enduit de colle de peau de lapin, dorure à la feuille, polychromie, une statue d’église, une Madone portant son bébé mais aussi enceinte d’un deuxième, je souhaitais proposer un changement de paradigme. Fidèle à ce que racontent les premiers Évangiles citant le nom des frères de Jésus, je propose une image de Marie plus réelle que celle de l’Immaculée Conception. Marie devient femme, fille-mère, puis mère des autres enfants que lui donne Joseph. J’esquisse, par cette uchronie, ce qu’aurait été notre société sans cette culpabilité que les religions font porter aux femmes, source de drames. Drames sociaux et psychologiques que j’évoque dans la deuxième pièce, une autre uchronie qui, au travers des évolutions techniques et esthétiques de la photographie, reconstitue l’ascendance fantasmée d’une femme née sous X. Dans les deux cas masquer le péché originel, la chair que stigmatise trois femmes. La première, à l’origine de notre civilisation, Marie, pour laquelle le mythe efface l’acte de chair, la propulsant, paradoxalement, en tant que Vierge, comme icône de la femme. La seconde, qui, au milieu du XXème siècle, n’a pu assumer son rôle de mère pour une raison inconnue. On peut imaginer que son accouchement sous X a été causé par la bienséance, fille de bourgeois engrossée dans le péché ou, fille de pauvre qui ne pouvait assumer le fruit amer d’un moment de faiblesse ou d’un viol. Et aujourd’hui, la troisième, cet enfant non souhaité, cette fille née sous X face au mur établi par la loi, devant porter le poids de son abandon et du mystère que représente ses ascendants, se sentant coupable de ne pas pouvoir donner une histoire familiale à ses enfants. Cette dernière mère est une amie, à qui j’ai suggéré un jour d’inventer de toute pièce un passé idéalisé. Plus tard, je lui ai proposé d’inventer des fragments de ce passé au travers d’un parcours dans le temps, séquencé par un bref parcours symbolique dans l’Histoire de la photographie. J’utilise le visage d’une de ses filles pour faire exister une arrière-grand-mère, une grand-mère et une mère.
La réalité de l’histoire et la manipulation La famille qu’on peut s’inventer lorsqu’on est né(e) sous X, cette transformation de l’Histoire, cette bifurcation dans l’espace-temps qu’est l’uchronie expose aussi la fragilité de la réalité. “Nous devons envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre.” nous dit Laplace mais selon la théorie du chaos, un infime changement aurait pu transformer notre univers social et moral, changer ce paradigme. Si l’Église reconnaissait à Marie son statut de fille-mère au lieu d’imposer cette conception sans l’acte de chair, mon amie aurait probablement connu sa mère. D’autre part, la collection de photographies, support d’un passé fantasmé m’évoque aussi l’étagère de Rick Deckard, le chasseur de prime de la nouvelle de Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? et interprété par Harrison Ford dans Blade Runner. Étagère couverte de photos de famille et suggérant que le héros pourchassant les réplicants – des robots humanoïdes essayant de retrouver leur créateur pour prolonger leur vie – est l’un des leurs auquel on a implanté un faux passé. Chez moi, j’ai posé sur un buffet une série de vieilles photographies de ma famille et parfois je me demande si j’ai vraiment vu ces personnes. Mon père était photographe et regardant de vieux albums, je me demande si ma vie est réelle, si mes rares souvenirs d’enfant ne sont pas seulement instillées par ces images.
Biographies
Marc del Piano, né en 1958. Vit et travaille à Lyon
Après les Beaux-Arts de Lyon en département illustration et communication, MDP devient directeur artistique pour la publicité, fonde une agence de communication puis de multimédia. En 1999, il est associé par thierry Ehrmann à la fondation de la Demeure du Chaos dont il devient un des artistes intervenant et son directeur artistique. Parallèlement, il développe son univers personnel de plasticien en expérimentant différents média : dessin, peinture, photographie , sculpture en fonction de ses envies et des sujets qu’il aborde. Il expose son travail à la Demeure du Chaos et à Paris à la galerie Gratadou-Intuiti
Patrick Gabet, né en 1958. Vit et travaille à Lyon
Il se passionne pour la sculpture depuis l’âge de15 ans en autodidacte puis suit une formation classique en ébénisterie, sculpture et dorure. Il ouvre son atelier de sculpture et dorure à Lyon. Son activité d’artisan d’ Art s’articule autour de deux axes, la création et la restauration de statuaires, meubles, miroirs, dorés, polychromes, cirés … Quand à ses créations, très personnelles, elles sont visibles dans son atelier vitrine.
GALERIE GRATADOU-INTUITI
16, rue des Coutures Saint-Gervais 75003 Paris
http://www.galeriegratadou-intuiti.com
Du 13 octobre au 9 novembre, la GALERIE GRATADOU-INTUITI présente « CINEMA : histoires domestiques », une exposition personnelle d’ÉDOUARD TAUFENBACH
La série de collages qu’Édouard Taufenbach présente sous le tire CINEMA : histoires domestiques s’inscrit dans une double appartenance au récit du cinéma d’une part et au roman familial d’autre part. Toujours à partir d’un ensemble d’anciens tirages argentiques de photographies privées servant de déclencheurs de fiction, les collages de dimensions variables explorent les capacités d’une simple photographie domestique à engendrer du récit, à produire du cinéma.
Depuis bien avant son invention sous sa forme moderne, le cinéma (les images en mouvement) avait cherché ses possibles lieux d’apparition dans des dispositifs optiques tenant ensemble la magie de l’illusion et le pragmatisme technique (des lanternes magiques aux jouets d’optique). Le cinéma diffuse des films sous une forme communément répandue tout au long du XXème siècle, le spectacle cinématographique. Sa scène est un théâtre (la salle de cinéma), où viennent regarder ensemble des spectateurs toujours plus ou moins fascinés par le dispositif de projection et les ombres qu’il génère. C’est du côté du film comme pellicule que se situe le travail récent d’Édouard Taufenbach, le film dans toute sa matérialité : le support photographique, la transparence de la pellicule, les pigments de couleur qui imprègnent les surfaces. Pour chacun de ses projets, il construit, à partir d’une seule photographie trouvée, ou collectionnée, ou encore extraite d’archives familiales, un film non pas projeté mais exposé, décomposé en séquences géométriquement articulées sur des panneaux (tableaux) à fonds blancs. Empruntant à la musique itérative autant qu’au cinéma structurel d’un Peter Kubelka ou Paul Sharits, aux flicker films (« films à clignotement ») autant qu’aux micro rythmes des musiques urbaines, les œuvres vidéographiques et photographiques d’Édouard Taufenbach procèdent d’un même geste de séquençage qui produit un espace temporel continu quoique composite, dans lequel les points de raccords discrets sont lissés par la répétition et les effets de boucle.
Telle la pointe acérée d’un regard scrutateur, les lignes obliques qui organisent les surfaces forment un réseau rythmique (une partition?) qui associé à la photographie de base répétée, réitérée avec de minces variations, produisent un « effet cinéma » qu’il est très difficile de nommer et de décrire, alors même qu’il est fortement perceptible. Les deux composantes du cinéma, le photogramme et le défilement, apparaissent partiellement dans ces collages « fixes » face auxquels le spectateur est mis dans la situation de faire défiler « à la main » un ruban celluloïd de film. D’une image à l’autre le regard balaye les bandes géométriques en cherchant les modifications, les différences, les déplacements et le décadrages qui vont faire vaciller la fixité photographique et la tirer vers un mouvement optique, au fondement du dispositif cinématographique. Comme au cinéma, une durée est nécessaire pour regarder ces images auxquelles l’organisation soignée ajoute un caractère précieux. Vus de loin, les collages évoquent des rubans de film et exposent le principe du cinéma, sa mécanique. Vue de près, ils mettent en avant les images et leur référent : des personnes, des ambiances, des relations, des histoires possibles, des récits de vie potentiels. Les traces mémorielles saisies par la capture photographique se conjuguent avec la mécanique cinématographique traitée picturalement dans un jeu très précis de découpes et de « montage » sur le plan du tableau, lieu des transformations. La fiction a alors trouvé une possibilité de se construire et le spectateur-lecteur peut projeter ses propres histoires et faire affleurer à la surface du présent des souvenirs réel ou imaginés. Il peut ainsi « se faire des films » comme le dit Édouard Taufenbach, et élaborer en liberté ses propres représentations. Travail de l’art.
Françoise Parfait
« CINEMA : histoires domestiques » Édouard Taufenbach
Du 13 octobre au 9 novembre
GALERIE GRATADOU-INTUITI : 16, rue des Coutures Saint-Gervais Paris 3ème
Cette exposition se poursuivra du 11 au 13 novembre 2016 à FOTOFEVER ART FAIR au Carrousel du Louvre, Paris.
http://www.galeriegratadou-intuiti.com